Le temps. On n’aura jamais autant parler de temps que pendant cette pandémie. Confinés à la maison, la grande majorité des gens en ont beaucoup. Le temps leur sort par les oreilles tellement ils en ont. Ils ne savent même plus quoi en faire. Chacun trouve de plus en plus de façons de le tuer mais il semble éternel.

Pour d’autres, notamment ceux qui travaillent dans le milieu de la santé, la pandémie et une course perpétuelle contre le temps. Quand on combat l’ennemi, on n’a jamais assez de temps. Il faut le prendre de court, le battre de vitesse, arriver à la ligne d’arrivée avant lui, ne serait-ce que par quelques secondes.

Pour les gens en fin de vie, le virus est un voleur de temps impitoyable. Le temps qui leur est pris ne reviendra jamais. Des heures de joie entourés de leur famille, des heures de douceur avec une présence connue, des heures de rattrapage à défaire leurs nœuds gordiens pour atteindre la sérénité avant le grand voyage. Ces heures se sont tout simplement effacées. Elles se sont égrenées, lentement, dans la solitude d’une chambre qui ne leur appartient pas. Jusqu’à ce que, arrivés à la fin de leur ligne de temps, l’inconscience les submerge.

Pour leurs proches, ce temps volé est un poids de culpabilité de plus à gérer dans un deuil déjà difficile dans un contexte plus que particulier. Ne pas avoir accès au proche mourant pendant une longue période est un sacrifice lourd à porter. Avoir envie de se rendre à son chevet, juste pour lui tenir la main mais ne pas pouvoir.  Angoisser à l’idée que la personne en perte de facultés cognitives ne comprenne pas ce qui se passe et se sente abandonnée. Se demander chaque jour si la personne est bien. Recevoir des nouvelles par courriel, comprendre la dégénérescence rapide avec chaque fois la peur au ventre que l’information soit fatidique. Savoir qu’elle le sera, inéluctablement. Personne n’a envie de faire ses derniers adieux virtuellement… une ultime conversation dont le niveau de difficulté est décuplé par la distance et la froideur du médium.

Le deuil est particulièrement complexe en temps de pandémie. Pleurer à 2 mètres de distance, c’est contre-nature. Ne pas pouvoir se réunir, se serrer, se soutenir en famille est extrêmement difficile. Les câlins virtuels sont très loin d’être aussi réconfortants. Ne pas en recevoir est difficile mais ne pas en donner l’est peut-être plus encore. Le contexte actuel entraine plusieurs défis supplémentaires au processus de deuil.

Il est d’autant plus important de prendre le temps. De respirer, de prendre l’air, de garder le contact avec les proches, de prendre soin de soi. Le temps qui nous a manqué est aussi celui qui nous guérira.

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