Je ne peux pas croire qu’en 2022, il y a encore des gens qui ne cessent de vouloir rouvrir le débat sur l’avortement. Comme une épée de Damoclès qui flotte en permanence au-dessus de la tête des femmes. C’est pourtant si évident. La seule personne qui a droit de regard sur son corps est celle qui vit dedans.

J’ai eu recours à l’avortement. Bien peu de gens le savent, même parmi les plus proches de moi. Je me suis toujours dit que c’est parce que ça ne concernait personne. Je réalise aujourd’hui, environ 20 ans plus tard, que c’est aussi parce que j’en garde une certaine honte. Alors que ça ne devrait pas.

Je ne devrais pas avoir honte de ce choix qui a été difficile et qui m’appartenait. Un choix qui était le bon à ce moment-là de ma vie. Je vous épargne les raisons car celles-ci m’appartiennent et personne ne devrait avoir à justifier une telle décision. Je vous partage toutefois comment je l’ai vécu.

Je me suis rendue à l’hôpital parce que je ne me sentais pas bien. Le diagnostic a été une surprise totale pour moi, qui prenait la pilule. J’ai pleuré. J’ai réfléchi. J’ai discuté avec l’autre. J’ai rappelé l’hôpital. J’ai dit que je ne souhaitais pas poursuivre et j’ai demandé un rendez-vous pour interrompre le processus. On m’a donné un rendez-vous. C’était simple. J’étais soulagée.

Quand je suis arrivée, j’ai réalisé que j’étais dans une salle d’attente remplie de femmes enceintes. Souriantes, se caressant le ventre, s’échangeant des infos sur leur état et leur situation. On m’avait orientée, contre ma volonté, dans une clinique de naissance où la dame a entrepris de me persuader de changer d’idée. De me faire sentir coupable et honteuse. J’étais sous le choc, seule avec cette femme qui me jugeait, dans un bureau placardé d’images de fœtus et de bébés. J’ai quitté, en larmes, fortement ébranlée par ce manque de respect total pour moi.

J’ai rappelé à l’hôpital. On m’a redonné un rendez-vous à la même place. Je rageais. J’ai appelé ailleurs. On m’a informée alors que les délais étaient très longs au public. Trop longs dans les circonstances. J’ai demandé s’il y avait d’autres endroits. On m’a dit qu’on ne savait pas et on a raccroché. J’ai pleuré. Beaucoup. J’étais en détresse. L’internet, c’était pas comme aujourd’hui. L’information était plus difficile à trouver. Je me sentais impuissante et encore moins maître de ma décision, qui était pourtant tout à fait légale. Je suis finalement tombée sur un groupe de femmes qui m’a orientée vers le bon endroit. J’ai pris rendez-vous dans une petite clinique privée qui a procédé, dans la plus grande douceur et le respect le plus complet, à appliquer ma décision. À me redonner le contrôle de ma vie.

La mauvaise foi et le non-respect dont j’ai été victime étaient d’une violence incroyable pour moi, surtout à un moment où je me sentais tellement vulnérable et angoissée. Et ce n’est absolument rien face à ce que doivent vivre d’autres femmes. À ce que pourraient devoir affronter d’autres femmes, proches d’ici, dans un avenir rapproché. Je n’ose imaginer la détresse d’une femme qui serait considérée comme criminelle juste d’envisager un avortement. Qui devrait se débrouiller, seule et dans le plus grand secret, pour sortir de l’état ou de la province dans laquelle elle se trouve pour que quelqu’un puisse enfin lui apporter le soutien dont elle a besoin. Avec la peur de se faire prendre, d’être accusée. Tout ça pour une décision qui ne devrait être contestée par personne. Une décision qui est, chaque fois, la bonne, car celle de la femme à qui appartient le corps.

Croyez-moi, ce n’est pas une décision prise en souriant sur le coin d’une table. C’est une décision difficile et réfléchie. Une décision qui devrait être soutenue par la société et qui ne devrait jamais être remise en question. Une décision que je remercie la jeune moi d’avoir prise, malgré toutes les difficultés. C’était la meilleure chose à faire à ce moment-là.

Je ne devrais pas avoir honte. Je ne veux plus avoir honte.

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