Je sais bien, la politique est un balancier qui, une fois ancré d’un côté, ira inexorablement jusqu’à l’extrémité de l’autre. Surtout dans notre monde qui prône la polarisation de tout. Blanc ou noir. Vrai ou faux. Pour ou contre. Droite ou gauche. D’accord ou pas d’accord. Ça ne favorise pas le dialogue, mais l’opposition. Ça ne favorise pas non plus la réflexion critique, ni le travailler ensemble. Il suffit de se positionner d’un côté ou de l’autre. Plus facile d’argumenter quand tu gommes les nuances. Mais la réalité se trouve généralement dans les tons de gris.
Cette vision modulée ne fitte pas très bien avec le monde d’aujourd’hui. Le monde du moi, ici et maintenant. Mes intérêts, mes affaires, mes privilèges. L’individualisme poussé toujours un peu plus loin. Au diable les autres. Surtout s’ils viennent d’ailleurs ou qu’ils font partie des plus démunis. On ne tend plus la main. On ne laisse même plus notre siège à ceux qui en ont besoin. Le filet social s’effrite. Ses mailles s’élargissent, s’étirent, se cassent. Se raréfient. L’écart se creuse de plus en plus. Au plus fort la poche. Notre nombril à la place du cœur.
J’ai travaillé longtemps dans le communautaire. Ses travailleurs et travailleuses portent à bout de bras un monde parallèle dont la majorité des gens ne veulent pas tenir compte. Et ils le font avec passion, au péril de leur santé (mentale et physique), le tout, pour des peanuts. Il y a un manque criant de bonté humaine, de vivre ensemble, de compassion et d’ouverture sur d’autres réalités lorsque celles-ci ne nous concernent pas. Individuellement, mais aussi collectivement et politiquement. La détresse humaine pis le malheur des autres, pourquoi se bâdrer avec ça? On ferme les yeux, jusqu’à ce que ça nous touche personnellement. Jusqu’à ce que la machine parfaitement huilée de notre train-train quotidien se détraque. Qu’on perde un emploi, qu’on vive une période de fragilité au niveau de la santé mentale, qu’on reçoive un diagnostic de cancer, qu’on rencontre nos nouveaux voisins qui viennent de loin et qu’on pleure sur la dureté de leur parcours de vie. Que notre portefeuille soit touché autant que notre coeur.
On n’a plus de vision long terme, plus de projet de société viable et positif. Que le Je dans le présent. On ne voit pas plus loin que le trou de notre nombril. L’environnement en est un bel exemple. C’est pas comme si les changements climatiques ne se voyaient pas à l’œil nu d’année en année. C’est pas comme si des études sérieuses et de plus en plus nombreuses sonnent l’alarme partout dans le monde. C’est pas comme si la planète était importante à notre survie en tant qu’espèce. Encore une fois, on ferme les yeux. Jusqu’au moment où ça va nous toucher personnellement. Jusqu’à ce que des canicules s’étendent sur un été complet, que des événements climatiques de plus en plus violents se produisent de plus en plus souvent. Et encore là. Moi pis mon cash, dans le moment présent, c’est plus important. On va quand même pas prendre en considération que notre rythme de vie collectif ne peut pas durer dans le temps sans laisser des cicatrices profondes au niveau environnemental, avec des conséquences que nous commençons tout juste à envisager.
Je regarde les enfants et je les plains. Nous ne leur laisserons pas beaucoup d’options, surtout environnementales. Nous ne leur léguerons pas non plus un grand héritage au niveau des valeurs. Je dis ça mais je garde quand même espoir. Je demeure optimiste. Je donne la chance au coureur. Il est toujours temps de s’ajuster, de changer nos habitudes, de s’ouvrir aux autres, de tendre la main, individuellement comme collectivement.
Et provoquer l’inexorable retour du balancier.
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