J’entre dans le café et je cherche du regard. Il est là, assis à une table au fond. Il me fait un sourire et un signe de la main. Je m’approche et je m’assois en face de lui.

– Salut, ça va?

– Oui ça va, et vous mademoiselle? me dit-il en se penchant légèrement vers moi.

Et là, je fige. Son haleine me pogne au nez. Une odeur de mort mélangée à un fond de poubelle avec un peu de restant de lendemain de brosse. C’est tellement fort que ça me pique les yeux.

– Oui, très bien! que je réussis à articuler.

– Super! J’avais hâte de te rencontrer! me souffle-t-il au visage en souriant.

Je suis complètement déconcentrée. J’ai l’équivalent de l’attention d’un poisson rouge parce que j’utilise toute ma concentration pour essayer que ça paraisse pas dans ma face. Je manque d’air. J’étouffe. Mais, en même temps, je veux pas respirer.

– Ben oui, moi aussi! Alors, une belle journée?

Il se met à me raconter toute sa journée pendant que j’essaie de respirer par la bouche. Je goûte son odeur. C’est encore pire. Je me demande si c’est possible de respirer sans respirer. La table n’est définitivement pas assez large. J’aurais envie que ce soit une table de 20 pieds pis qu’on mange chacun à un bout avec des gens qui courent entre les deux pour nous passer le sel pis le poivre.

Je suis toujours perdue dans mes pensées au sujet de la trop petite largeur de la table quand je m’aperçois qu’il me regarde avec un air interrogatif. Ah oui, nous avons une conversation! Je lui raconte donc les grandes lignes de ma journée.

Il me demande si ça va. Visiblement, ça parait que j’ai un problème. Je lui réponds que je ne suis pas à l’aise dans un contexte de date et il part dans un grand monologue pour tenter de détendre l’atmosphère. C’est gentil quand même. Mais je n’arrive pas à défocuser de l’odeur, qui a déjà envahi toute la place entre lui et moi et qui forme désormais une sorte de bulle toxique autour de notre table. J’ai besoin de respirer un grand coup d’air frais.

– Écoutes, c’est pas toi là mais je suis pas à l’aise, je pense que ça serait mieux si je rentrais chez moi… Je suis désolée, que je lui dis du bout des lèvres.

– Y’a pas de problème, je comprends ça! Pas toujours facile les premières dates hen!

Je me sens mal. Il est gentil. Dans ma tête je me dis que c’est complètement ridicule mon affaire. On ne peut pas juger quelqu’un juste sur son haleine. En même temps, si je suis pas capable de me tenir à moins de 3 pieds de lui, ce sera pas facile construire de quoi. Et lui dire? Non merci!

Faque on sort du café pis vient le moment malaisant de se dire au revoir. Il se penche vers moi et me dit :

– Ben bonne fin de soirée! en m’exhalant toute son haleine en pleine face.

J’ai pensé mourir.

Je rentre dans mon char et je respire comme si c’était la première fois. Je savoure chaque entrée d’air frais dans mes poumons. Je me sens encore mal. Tsé, si je le revoie pis qu’il sent bon de la yeule, peut-être que ça changerait toute. Peut-être que c’est l’homme de ma vie. Mais en même temps, je sais pas. Je le sens pas, ce gars-là.

Pis je me dis que ça part pas bien une relation si je suis déjà pas capable de le sentir…

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