Quand j’étais jeune, la trentaine, pour moi, c’était déjà vieux. Dans ma vision d’enfant, rendu là, t’étais un adulte depuis un temps déjà. La tête remplie d’histoires Disney, je me voyais clairement mariée, dans une petite maison chaleureuse bien tenue, animée par 2 enfants pis au moins un chien. Je gérerais ma vie comme une pro, alternant avec aisance entre ma vie personnelle et la job de rêve que j’occuperais à coup sûr.

Force est d’avouer qu’à la mi-trentaine, il est rare que je me sente vraiment adulte. Beaucoup de mes amis ont des maisons, des enfants, des relations de plus d’une décennie et gèrent tout ça comme des boss alors que moi je suis là, la tête tout juste hors de l’eau à gérer rien d’autre que mon petit moi-même. Récemment en couple après des années de célibat aux prises avec une peur de l’engagement, je ne suis pas mariée, j’ai pas d’enfants pis j’ai pas de chien. Éternelle locataire, j’ai pas non plus la petite maison en campagne dont je rêvais. J’ai une bonne job, pas de rêve, mais une bonne job. Pis j’ai 2 chats. Quand même. Mais je me sens bien loin des objectifs de mon moi enfant pour qui mon moi actuel est déjà vieille.

Je pensais qu’il y aurait un clash entre la vingtaine et la trentaine. Je croyais à une sorte d’épiphanie ou je sais pas quoi. Mais non. Y’a pas eu de clash. Je suis encore moi. Toujours aussi anxieuse. Toujours autant de misère à gérer certains trucs. Toujours cette impression de pas être capable de m’occuper de tout moi-même. Y’a pas eu de déclic. Y’a juste plus de chandelles sur mon gâteau de fête. Je me regarde aller pis je me rends compte que, dans le fond, mon moi trentenaire fait bien souvent les mêmes choses qu’avant mais pas pour les mêmes raisons.

À 20 ans, je ne sortais pas beaucoup principalement parce que j’avais pas d’argent. A 30 ans, je ne sors pas beaucoup parce que ça me tente juste pas. Je me couchais tôt parce que j’allais à l’université et que j’avais 2 jobs. J’arrivais à la fin de mes journées exténuée. À 30 ans, je me couche tôt parce que j’aime ça dormir au moins 8-9 h, si c’est pas 10. Pis j’ai de la misère à sortir du confort de mon pyjama. À 20 ans, je mangeais un bol de céréales pour souper parce que j’étais pauvre pis que j’alternais ça avec des ramens, des biscuits pis des beurrées de beurre de peanut. À 30 ans je mange un bol de céréales parce que je suis paresseuse. Mon frigidaire est rempli de viande et de légumes mais un bol de Cheerios, des biscuits ou une beurrée de beurre de peanut, c’est si vite prêt!

Pour moi, être adulte c’est gérer sa vie comme une pro. Concilier travail et vie personnelle. Payer ses factures sur réception, sans sourciller. Faire l’épicerie et acheter de la vraie bouffe, pas un trop plein de cochonneries qui me serviront inévitablement de soupers. Sortir les poubelles à temps, ne pas laisser la vaisselle s’accumuler. Ne pas attendre ma paye à chaque 2 semaines parce que j’ai encore mal calculé mon budget ou parce que j’ai trop dépensé pour des niaiseries. Encore. C’est faire preuve de plus de maturité. Arrêter de m’en faire pour des trucs inutiles, de capoter ma vie à chaque obstacle. Avoir confiance en moi, en mes moyens. Avoir des reer, ou des celi ou au moins savoir la différence entre les deux. Avoir un coussin, au cas. Mieux manger. Prendre soin de moi. Gérer mes affaires au jour le jour sans les remettre dans un lendemain perpétuel. Je suis loin du compte!

Bref. Je suis plus vieille mais toujours pas adulte. Pas selon mes critères préétablis d’enfant. Pas selon ce que je pensais qu’un adulte était. Pas d’un point de vue d’efficacité et de rentabilité. On nous inculque jeune à évaluer notre vie avec des critères de performance, ce qui fait qu’on voit souvent davantage le négatif, les accrocs, les échecs. On ne nous dit pas que personne n’est parfait. Qu’on a tous des lacunes. Que, peu importe l’âge, c’est normal. J’essaie d’accepter que je ne gère pas tout comme une boss. D’accepter mes faiblesses. De m’améliorer, de faire de mon mieux. J’apprivoise le lâcher prise. Je ne suis pas WonderWoman; je ne le serai jamais. Et c’est ben correct comme ça. J’apprends à être imparfaitement moi-même et m’aimer pareil.

C’est peut-être juste ça, au fond, la maturité de la trentaine.

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