Dans une nouvelle relation, le moment entourant les premiers je t’aime est délicat et souvent stressant. Et pour cause. Un coup prononcés, on ne peut pas les reprendre, ces mots lourds de sens. C’est un peu un coup de dés. Et c’est important de faire attention. Le je t’aime est si souvent galvaudé. Il est utilisé à tort et à travers. S’il est lancé trop tôt, il perd de son poids, il n’est qu’un synonyme de je t’apprécie. Or, le je t’aime est censé être beaucoup plus profond que ça. Pour ceux qui n’ont pas l’amour facile, c’est un moment déterminant, pesé, mesuré. Repensé et re-réfléchi. Trop, d’ailleurs.
Quand on les ressent ces mots, c’est difficile de ne pas les dire. Ils cognent dans la poitrine. Ils résonnent dans le cerveau. On a envie de les murmurer ou de les crier. On les répète par en dedans. On les garde secrets mais ils prennent toute la place. Ils veulent sortir. Les premiers je t’aime sont comme un jeune oiseau qui va s’envoler ou se faire couper les ailes pour retomber durement sur le sol.
Car ces mots peuvent faire très mal s’ils se butent sur un mur, s’ils doivent être ravalés. Ça te pète une ambiance et un petit cœur solide. On ne peut pas revenir en arrière, faire comme si de rien n’était, les effacer. C’est un tournant, un point de non-retour. Un moment de joie ou de malaise. Le début d’un temps nouveau… ou le début de la fin. Ça passe ou ça casse. S’ils ne sont pas réciproques, une période de malaise s’ensuit. Lentement, la relation s’étiolera au lieu de fleurir. C’est difficile, les sentiments à sens unique. Ça crée des attentes d’un bord, de la pression de l’autre. Ça change tout. Ça sonne souvent le glas d’une relation en pleine éclosion. En même temps, c’est mieux de savoir à quoi s’attendre que de vivre d’espoir et de fantasme relationnel.
Les personnes qui traînent une peur de l’engagement sont rarement les premières à prononcer les mots fatidiques. On veut être sûrs. Sûrs des sentiments, sûrs de ne pas regretter, de ne pas s’être compromis trop vite. On les garde enfouis, on les laisse grandir mais par en dedans. On retarde l’éclosion. On ne veut pas aller trop vite. On ne veut pas déclarer une flamme qui n’a pas assez d’oxygène pour survivre… qui n’était en fait qu’une flammèche. On ne veut pas s’être mouillé pour ensuite réaliser qu’on n’a pas vraiment envie de se baigner. On a peur de se tromper, de penser être en amour mais que ce soit éphémère, que ce ne soit que l’enivrement des débuts qui nous tourne la tête, elle qui, une fois refroidie, regrettera peut-être. Les mots restent donc longtemps sur le pas de la porte. Ils rasent les murs, ont peur de sortir.
À un moment, on ne peut plus les nier, c’est même ridicule de tenter de les cacher. Ils brillent dans les pupilles, ils illuminent le visage, ils sortent par tous les pores de la peau. Mais on s’entête. On persiste dans le silence. On s’en tient aux formules édulcorées comme je suis bien avec toi. Le cœur qui veut parler est tempéré par le cerveau. Les premiers je t’aime veulent être libérés, s’enflammer, s’esclaffer en éclats de bonheur. Mais ils sont encore retenus par la peur. Celle de se tromper. Celle de s’engager. Celle de soi-même, de l’abandon, de lâcher prise… d’aimer.
Même quand l’autre nous a devancé, éloignant la peur du rejet, c’est un moment qui reste délicat quand tu as été échaudée par l’amour. Il faut avoir un certain goût du risque pour se lancer. Pour plonger dans le prochain niveau.
Mes premiers je t’aime sont patients, insécures, anxieux. Mais j’y ai pensé et repensé. Trop d’ailleurs.
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